Bémol sur la croissance

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Amorcé en février, le recul des exportations horlogères helvétiques s’est encore accentué en mars, clôturant le premier trimestre 2024 sur une baisse de 6,3%

Quand les actions des ténors du luxe piquent du nez, ce n’est jamais de bon augure. Le ton donné aux communiqués de clôture des récents salons horlogers avait pourtant de quoi rassurer. Comme les précisent les organisateurs de Watches and Wonders Geneva 2024, une manifestation comptant 54 Maisons exposantes qui a accueilli début avril 49'000 visiteurs (+14%), « du côté des affaires, de nouveaux sommets ont été atteints avec plus de 10’000 rendez-vous détaillants (+25% par rapport à 2023), 1’800 sessions pour la presse et une augmentation des clients finaux ». Même son de cloche de la part de Time to Watches. Ce salon parallèle, fort de 53 marques, a connu « un succès sans précédent », avec une affluence record de plus de 7’000 visiteurs, en croissance de 20% par rapport à 2023.

Un petit coup d’œil sur les cotations boursières avait toutefois déjà donné mis la puce à l’oreille. Depuis la mi-mars, les titres Kering, LVMH et, dans une moindre mesure, Hermès ont commencé à marquer le pas. En cause, un avertissement sur ses résultats de la part de Kering, qui anticipe un bénéfice opérationnel en baisse de 45% à 50% sur le premier semestre. Résultats également mitigés du côté de LVMH, avec une progression trimestrielle de ses ventes d’un « petit » 2% dans un contexte d’inquiétudes concernant un ralentissement mondial prolongé et l’état de la demande en Chine. Les actions de Swatch Group et Richemont n’ont pas davantage résisté à l’humeur maussade des investisseurs, accusant un repli de plus de 10% sur la période à fin avril.

Encore la Chine

Les chiffes d’exportations horlogères helvétiques ne laissent désormais plus de doute sur l’orientation de la tendance. En février déjà, les expéditions de produits horlogers suisses sur les divers marchés étrangers ont connu « une première baisse significative de 3,8% ». Un recul largement confirmé en mars où les exportations ont cette fois chuté de 16,1%. 

Comme le détaille la Fédération de l’industrie horlogère suisse, deux destinations ont été particulièrement en souffrance. « La Chine a subi une perte de 41,5%, précise-t-elle, atteignant ainsi un niveau inférieur à celui de mars 2020, quand la branche s’était pratiquement arrêtée au milieu du mois en raison de la pandémie de Covid. Hong Kong, en baisse de 44,2% a connu une variation similaire. » La Chine, encore au premier rang des marchés d’exportation horlogers suisses en 2020, ne représente ainsi plus que la moitié de celui des Etats-Unis qui caracole en tête désormais.

Dans ces conditions, on peut se demander s’il était judicieux pour certaines Maisons de compenser les problèmes de production de ces deux dernières années de forte demande par une augmentation des prix. Car une chose est certaine, comme le stigmatise Jean-Philippe Bertschy, analyste financier auprès de Vontobel, « cette année sera un défi pour l’industrie horlogère suisse, en particulier pour les petites marques ». Avec un regard pointé vers la Chine, la branche horlogère est en train de freiner des deux pieds sur ses investissements. 

La progression économique chinoise de 5,3% au premier trimestre, nettement plus robuste qu’attendue, est-elle susceptible de rassurer ? S’il est indéniable que le pays est confronté à des défis de première importance, au rang desquels bulle immobilière, sanctions commerciales américains, chômage des jeunes, population vieillissante, sans oublier le surendettement des gouvernements locaux, n’a-t-il pas réussi par le passé à surmonter des difficultés d’un tout autre ordre ? Si la réponse est certes positive, elle ne donne aucune solution miracle à court terme.