Depuis sa création il y a presque 15 ans, la marque Laurent Ferrier est devenue synonyme d’horlogerie raffinée néo-classique, grâce à des modèles parfaitement réalisés comme le Classic Tourbillon Double Spiral, le Classic Micro-Rotor ou le Square Micro-Rotor.

Dix après son lancement, la marque genevoise a ajouté une corde à son arc en présentant la Grand Sport Tourbillon, sa première montre sportive à bracelet intégré, inspirée par la passion des deux cofondateurs de l’entreprise, Laurent Ferrier et François Servanin, pour la course automobile : ils ont participé aux 24 Heures du Mans à de nombreuses reprises et ils ont même décroché la troisième place en 1979.

Qu’il s’agisse de montres élégantes ou de modèles sportifs au style plus affirmé, des éléments récurrents caractérisent la collection de la marque : un design pur plein de détails subtils – résultat de quatre décennies d’expérience chez Patek Philippe où le fondateur était Responsable du développement des produits – ; des mouvements élégamment conçus par Laurent Ferrier et son fils constructeur Christian, en collaboration avec des tiers ; une chronométrie de premier ordre et des finitions main de la plus belle facture.

Qualité horlogère
Si l’horloger peut maintenant se targuer de cinq calibres, son deuxième mouvement, le calibre à micro-rotor FBN229.01 dévoilé en 2011, a joué un rôle clé dans la consolidation de Laurent Ferrier parmi les marques indépendantes les plus convoitées. Il a notamment permis d’offrir un prix de vente à l’époque plus abordable, par rapport au mouvement à tourbillon des débuts, tout en préservant une multitude de qualités horlogères.

À ce jour, les montres Classic et Square Micro-Rotor qui abritent le calibre FBN229.01 sont toujours les préférées des collectionneurs. Mais ce que peu de gens réalisent – même beaucoup de ceux qui les portent « dans la nature » –, c’est qu’elles comportent un échappement différent de ceux que l’on trouve dans la plupart des montres bracelets modernes : un « échappement naturel ».

Échappement à ancre
Dans les montres mécaniques, l’échappement entretient les oscillations du balancier : il contrôle la transmission de l’énergie du barillet au rouage afin d’assurer la précision de la montre.
La plupart des montres actuelles sont dotées d’un échappement à ancre suisse, car il est fiable, durable et facile à produire. Le mécanisme comprend un levier à deux palettes qui bloque et débloque la roue d’échappement afin de délivrer l’énergie par impulsions précises au balancier-spiral. Cependant, les blocage et déblocage engendrent des frottements et des pertes d’énergie, ce qui compromet la précision. Les lubrifiants peuvent réduire cet effet mais aussi encrasser le mécanisme au fil du temps.

Échappement naturel
Plus d’une décennie avant de breveter le tourbillon en 1801, le grand Abraham-Louis Breguet avait identifié les inconvénients de l’échappement à ancre et entrepris de chercher une alternative à basse friction et sans huile.
Le natif de Neuchâtel savait probablement comment un autre échappement, l’échappement à détente, permettait de réduire la friction et de se passer de lubrification. Il était doté d’une détente – un petit bras à ressort – pour bloquer-débloquer la roue d’échappement et donner des impulsions directes au balancier. Mais l’échappement à détente était délicat et sensible aux chocs.

Aussi, Breguet a inventé « l’échappement naturel » qui combinait le meilleur des échappements à ancre et à détente. Il comprenait deux roues d’échappement : les dents latérales s’engrenaient alors que les « piliers » verticaux bloquaient et débloquaient une détente centrale pour produire une double impulsion directe. Cela marchait, mais pas suffisamment bien pour que l’horloger l’adopte – des tolérances imprécises dans les roues d’échappement pouvaient compromettre la régularité des impulsions.
Reprendre là où Breguet s’est arrêté
Ce n’est que deux siècles plus tard que les horlogers ont repris l’idée de Breguet et cherché à la finaliser. Tout d’abord, George Daniels a développé un échappement naturel en utilisant deux trains d’engrenages séparés pour ce qui allait devenir sa Space Traveller. Puis, Derek Pratt a utilisé une bague dentée interne pour que sa Double-Wheel Remontoir Tourbillon puisse bénéficier d’un tel échappement.

Mais ces deux exemples étaient des montres de poche plutôt grandes. Il a fallu attendre la Freak d’Ulysse Nardin, dotée du Dual Direct Escapement en 2001, pour voir un échappement naturel dans une montre bracelet compacte, en partie grâce à l’utilisation novatrice de silicium pour réaliser les deux roues d’échappement.
Un mouvement « inspiré »
Sautons jusqu’en 2010 : Laurent Ferrier envisage la création du deuxième calibre de la marque et recherche une suite appropriée au Tourbillon Double Spiral qui a remporté le Prix de la montre homme au Grand Prix d’Horlogerie de Genève de cette année-là.

Conformément à son penchant pour le classicisme, il a indiqué à son fils Christian – ex-collaborateur de Roger Dubuis qui allait travailler sur le mouvement – qu’il souhaitait un calibre à micro-rotor doté d’une réserve de marche généreuse et d’une performance chronométrique élevée. De plus, il fallait qu’il soit « inspiré » et qu’il apporte un peu de substance à l’horlogerie contemporaine. Pourquoi pas, a-t-il suggéré, essayer de le doter d’un échappement naturel ?
Après tout, depuis la Freak une décennie auparavant, rien ou presque n’avait été développé en matière d’échappement naturel, et pour cause.
« L’échappement naturel, ce n’est pas comme un tourbillon. On ne peut pas s’appuyer sur une multitude de précédents pour développer le sien », explique Basile Monnin, alors membre de l’équipe des horlogers et actuellement Head of Watchmaking chez Laurent Ferrier.

Il poursuit : « L’échappement naturel, ce n’est peut-être que quelques roues qui permettent de donner au balancier une impulsion directe, sans passer par l’ancre, mais il n’y a quasiment aucun modèle de référence. Il y a quelques esquisses et des histoires rapportées sur des réalisations antérieures mais, fondamentalement, c’est une nouveauté. Nous n’avions donc pas grand-chose sur quoi nous baser, ce qui rendait le développement aussi difficile que celui d’une complication majeure. »
Design, matériaux et exécution
Soutenue par Enrico Barbasini et Michel Navas de la Fabrique du Temps, la marque a conçu un échappement naturel à géométrie spécifique qui s’appuie sur le concept de Breguet. Il comporte deux roues d’échappement, chacune dotée de piliers verticaux et d’une ancre centrale qui bascule de gauche à droite pour interagir avec une palette d’impulsion, afin de donner une double impulsion à un balancier à vis et spiral Breguet, cadencé à 3 Hz. Plus tard, on a ajouté une goupille de sécurité pour assurer la résistance aux chocs.

Mais pour que le système fonctionne, l’horloger a dû trouver des matériaux adéquats pour les roues d’échappement et le bras de détente.
« Les roues de l’échappement à ancre sont bidimensionnelles », explique Basile Monnin. « Nos roues d’échappement sont tridimensionnelles, avec des formes complexes impossibles à usiner de manière traditionnelle. Et elles doivent être fabriquées au micron près, sinon elles ne fonctionnent pas. »
Après avoir exploré différents matériaux et géométries, la marque a finalement décidé de recourir au processus de moulage de micro-précision LIGA (Lithographie, Galvanoformung, Abformung) pour fabriquer les roues d’échappement en nickel-phosphore.
Il a été tout aussi difficile d’obtenir des bras de détente et des palettes d’impulsion réalisés à la perfection.
« Nous avons essayé de les faire en or, puis en rubis, mais nous n’avons pas obtenu les résultats souhaités », raconte Basile Monnin. « Nous avons estimé que la meilleure solution était d’utiliser le silicium avec la méthode de fabrication DRIE (Deep Reactive-Ion Etching). Le silicium a des propriétés autolubrifiantes qui fonctionnent bien avec les roues d’échappement en nickel-phosphore. »

Il ajoute : « La seule limite de Breguet était la technologie. Les matériaux high-tech et les processus de fabrication d’une telle précision n’existaient pas à son époque. Je pense que, s’il avait eu accès aux technologies LIGA et DRIE, il n’aurait pas manqué de les utiliser, juste pour réaliser l’idée qu’il avait en tête. »
Moins de lubrification et une cadence stable
Finalement, l’échappement naturel de Laurent Ferrier fait exactement ce qu’il est censé faire : réduire le besoin en lubrification et améliorer la chronométrie.

« Notre échappement naturel ne requiert ni huile ni graisse, excepté aux points de pivotement des axes, » déclare Basile Monnin. « Et il consomme si peu d’énergie que nous conservons la même amplitude durant la quasi totalité des 72 heures de réserve de marche du mouvement. Et si nous gardons la même amplitude, nous gardons la même cadence. D’où une remarquable régularité. »
« Tous nos mouvements sont ajustés dans six positions, ce qui n’est pas forcément le cas dans toutes les manufactures. Pour des raisons logistiques, nous n’envoyons pas les mouvements au Contrôle Officiel Suisse des Chronomètres, mais ils obtiendraient aisément la certification, ils surpasseraient même les exigences. »

C’est sans doute le comportement au poignet qui apporte la meilleure preuve. Cet échappement naturel s’est avéré plus que robuste depuis qu’il a été lancé dans la collection Micro-Rotor, il y a plus de dix ans.
« Nous avons constaté que l’échappement s’en sort extrêmement bien », dit Basile Monnin. « Il n’est pas fragile, même si, dans le manuel de l’utilisateur, nous recommandons aux clients beaucoup de prudence dans l’utilisation de leur montre.

Il ajoute : « Nous avons livré un certain nombre de pièces et nous ne sommes pas submergés de problèmes après-vente. Par exemple, quand un client rapporte sa montre pour un service au bout de cinq ans, le boîtier est souvent usé, mais le mouvement fonctionne bien. Il y a même des clients golfeurs qui portent régulièrement leur montre en jouant. La longévité du produit prouve qu’il est fiable. »
Compétence rare
La performance de cet échappement naturel ne provient pas seulement du design, des matériaux et de la méthode de fabrication. La compétence des horlogers de Laurent Ferrier est cruciale quand il s’agit d’assembler, de régler et de contrôler le calibre FBN229.01.

« La plupart des horlogers, même ceux qui ont 20 ans d’expérience et qui ont travaillé sur des répétitions minutes, n’auront jamais l’occasion de travailler sur un échappement naturel », dit Basile Monnin. « Il y a donc une longue formation à suivre et de nombreuses règles à respecter pour assurer le bon fonctionnement de l’échappement. »
Les horlogers de la maison ont même dû trouver le moyen d’interpréter correctement les résultats fournis par une machine Witschi, l’appareil que les horlogers – et même certains détaillants, distributeurs et clients – utilisent pour analyser la fréquence, l’amplitude et les erreurs de marche.

« À cause de la double impulsion directe, les machines ne comprennent pas vraiment ce qu’elles détectent », explique Basile Monnin. « Au début, on peut être un peu dérouté parce que, sur les impressions papier de la Witschi, on voit des points partout, pas de ligne parfaite. On ne comprend pas quels sont les véritables points. » Il poursuit : « Nous avons donc appris à interpréter et à donner du sens à ce que nous obtenons de la machine Witschi. Et nous avons même formé des horlogers sur les marchés locaux afin qu’ils soient capables d’en faire autant. »
Tour de force technique et esthétique
Naturellement, il ne faudrait pas oublier que cet échappement naturel n’est qu’un élément d’un mouvement qui représente un tour de force à la fois technique et esthétique. En fait, l’efficacité de l’échappement est telle que le moment du couple nécessaire au remontage du ressort moteur est réduit, ce qui facilite le remontage unidirectionnel. De plus, le barillet monté sur des rubis tourne avec peu de friction.

D’autres éléments améliorent l’action du micro-rotor, notamment le cliquet utilisé à la place d’un bruyant système de roulement à billes. Et le micro-rotor en or est monté sur son axe entre deux joints toriques, pour une protection contre les chocs de type silent bloc.
Tous ces éléments, ainsi qu’un ressort moteur soigneusement choisi, participent à l’obtention d’une réserve de marche de trois jours, « à l’épreuve d’un week-end », durant lesquels la précision de marche demeure remarquablement constante, grâce à l’échappement naturel.

Les plus belles finitions
Enfin, on ne saurait ignorer le niveau exceptionnel des finitions faites à la main sur le calibre FBN229.01 des modèles Laurent Ferrier Micro-Rotor.
Les arêtes des ponts sont anglées et polies à la main, alors que leurs surfaces sont ornées de côtes de Genève. Les rayons des roues sont également anglés et, bien entendu, les têtes de vis et les moulures sont polies. Les surfaces des composants en acier, comme le coq de balancier, sont polies miroir à la main. Afin de produire le plus bel effet, on utilise également le perlage, le grenage rectiligne et le grenage circulaire.

Pour donner une idée de l’importance des finitions manuelles traditionnelles chez Laurent Ferrier, il faut deux jours entiers pour effectuer les terminaisons du pont de balancier ou coq.
Nous avons entendu dire qu’il y a beaucoup de choses à venir concernant le calibre FBN229.01 et les modèles Micro-Rotor chez Laurent Ferrier, alors restez connectés pour ne pas manquer des informations intéressantes plus tard dans l’été !
Pour en savoir plus sur Laurent Ferrier, rendez-vous sur le site internet de la marque.