Only Watch est arrivé à un tournant, vous suspendez le temps mais pas la recherche…
Les résultats des 10 éditions d’Only Watch offrent à l'AMM-Only Project les moyens nécessaires pour poursuivre et amplifier ses engagements sur les prochaines années, sans nécessité à court terme d’organiser un nouvel événement de levée de fonds – organisation dont nous avons toujours gardé la responsabilité et qui mobilise énormément l’équipe, comme chacun peut l’imaginer. Nous jouissons d’un réseau amical et fidèle de personnes et de marques engagées, d’un savoir-faire reconnu en la matière et d’une créativité appliquée protéiforme. Aussi, lorsque l’association aura besoin de nouveaux financements, nous proposerons de fédérer à nouveau les énergies aux fins de renouveler ses ressources.
À propos des 20 dernières années, on a parlé de Game Changer pour Only Watch. En quoi principalement d’après vous ?
Je crois que ça l’a été sur plusieurs plans : celui de l’horlogerie, avec le travail formidable des marques qui ont créé des montres exceptionnelles qui, pour nombre d’entre elles, ont marqué l’histoire.
Puis, évidemment et surtout, celui de l’avancée de la recherche vers les thérapies sur la myopathie de Duchenne. Lorsque nous avons commencé, au tout début des années 2000, il n’y avait aucune perspective de thérapie à court ou moyen terme et l’étape des tests cliniques de médicaments potentiels était, il faut le dire, un graal abstrait et lointain. Nous en savions quelque chose puisque nous étions concernés au premier plan avec notre fils Paul. Alors nous nous sommes mis à la tâche.
Aujourd’hui, notamment grâce aux tables rondes internationales organisées par l’association, puis aux travaux de recherche et aux développements soutenus avec les fonds levés par Only Watch, un certain nombre d’essais pour de nouveaux médicaments sont en cours. Celui qui est mené par la startup que nous avons cofondée semble particulièrement prometteur et il pourrait changer la donne pour de nombreux patients.
Recevoir un diagnostic de ce genre est un choc immense et la recherche est, par définition, un champ fait d’incertitudes. Mais, en 20 ans, la situation a beaucoup progressé et l’espoir est plus tangible.
Enfin, je pense que le dernier volet sur lequel Only Watch a changé la donne, dans une certaine mesure, est celui des levées de fonds caritatives. Nous avons organisé tous les 2 ans une vente qui nous a donné les moyens de nos ambitions, qui elles-mêmes ont pu grandir avec Only Watch. Nous avons bénéficié du soutien vital de partenaires comme les maisons de vente aux enchères, les transporteurs, les hôtes des ventes, etc. tout en gardant la responsabilité de l’organisation de l’événement, qui est devenu un marqueur du calendrier caritatif et horloger, et en adoptant une ligne directrice et une humilité constantes à travers les années, qui ont participé au succès et servi d’inspiration à d’autres, ce dont nous nous réjouissons.
Quelle image gardez-vous en regardant rétroactivement ces 440 pièces uniques créées par des dizaines de marques ?
Je visualise un plan de caméra serré sur lequel on aperçoit une vingtaine de montres exceptionnelles, uniques. Et là, zoom arrière, le plan s’élargit et fait découvrir 100, 200, 300, 400 montres et plus qui elles-mêmes n’en forment plus qu’une seule. L’union a fait l’extraordinaire force d’Only Watch, comme jamais auparavant dans ce secteur d’activité.

Vous avez tissé des liens extrêmement forts avec des personnalités de l’horlogerie, qu’en reste-t-il ?
La chance rare de pouvoir communiquer d’être à être, sans calcul, avec des centaines de personnes qui sont à l’écoute et restent prêtes à accompagner un mouvement pour le bien commun. Nous allons continuer à cheminer avec elles et l’écosystème horloger, les tenir informées et les associer plus encore aux avancées permises par les fonds de l’AMM-Only Project, avec notamment leur représentation au sein de notre comité stratégique.
S’il fallait refaire quelque chose différemment ?
Tout s’est passé dans la parfaite imperfection des choses, avec un succès planétaire phénoménal et de l’empathie. Pendant deux décennies, nous avons connu des Everest répétés, improbables et magnifiques, et offerts des opportunités uniques de faire nettement progresser la recherche vers les thérapies. Et nous pourrons continuer à le faire sur plusieurs années grâce à une bonne gestion des ressources.
Quelles sont dorénavant les priorités de l’Association ?
Déployer et affiner toujours plus nos programmes de soutien à la recherche, pour aider les chercheurs et chercheuses sur le chemin de thérapies de plus en plus complexes et innovantes et, en passant, pour donner aux nouvelles générations de ce domaine la chance d'émerger et de prendre leur place.
Pour cela, il faut continuer à consolider notre gouvernance et faire grandir l’équipe savamment, au juste rythme afin d’être efficaces, précis et réactifs sur tous les sujets.
Quels sont les défis qui attendent la Directrice de l’AMM-Only Project d’après-vous ?
Garder le meilleur de notre esprit pionnier et agile tout en opérant le tournant de la maturité pour l’association.
Votre regard sur l’industrie horlogère du nouveau quart de siècle qui se profile ?
C’est plutôt un regard bref sur le monde actuel et à venir que je me permets de partager. Nous vivons dans un siècle fluctuant, à savoir variable et de moins en moins prévisible, souvent tenté par le repli sur soi et impacté par la peur de l’autre et du lendemain. Cette tendance dorénavant ancrée s’accélère. Pour en sortir par le haut, il nous faudra, à mon avis, faire montre d’un esprit collaboratif et bienveillant, d’adaptabilité, de créativité ou d’ingéniosité, de partage des ressources, d’une joie du vivant et de l’instant présent.
Appliqué à l’horlogerie, ça pourrait donner un fonctionnement hybride qui intégrerait les meilleures qualités des marques indépendantes et celles des groupes.
En ce sens, Only Watch a montré la voie pendant 20 ans, en créant, favorisant, proposant des ponts entre tous les univers de l’horlogerie, et elle a montré que, dans ce contexte, cela pouvait marcher.